Les Héritiers de Léopold II, ou l'Anticolonialisme impossible (Guy De Boeck)

Je n’ai bien sûr aucune raison d’invoquer la première, puisque
Les Héritiers… n’a été vendu que par
souscription et n’a jamais été mis en vente en librairie. Cela tient en partie à la faiblesse des moyens financiers
dont disposait Dialogue des Peuples,
en partie au fait que les hommes et les femmes les plus susceptibles de
rechercher les informations qu’ils pourraient trouver dans ce livre, je veux
dire l’immence majorité tant des Belges que des Congolais des classes
populaires, ne disposent de toute façon pas de l’argent nécessaire à son achat,
même si j’ai, dès le départ, rejeté l’idée de toucher en quelque façon que ce
soit des droits d’auteur et si Dialogue
des Peuples
s’est efforcé de maintenir le prix du livre papier le plus bas
possible.

Diffuser plus largement ce livre, tout en contournant les
problèmes matériels posés par l’édition imprimée est devenu possible, entre
temps, en recourant aux NTIC, et en distribuant l’ouvrage sous format informatique
uniquement, au nom de laliberté de la science et de laculture, suivant une
formule inspirée de Creative Commons
(CC).

CC est une association à but non lucratif dont le but est
de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer
leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standard de leur pays,
jugés trop restrictifs1. L’organisation a créé plusieurs licences, connues sous
le nom de licences Creative Commons. Ces licences, selon leur choix, ne
protègent aucun ou seulement quelques droits relatifs aux oeuvres.

En pratique, cela signifie que l’œuvre peut être
téléchargéée gratuitement et rediffusée de même. La seule obligation de celui
qui la rediffuse, et qui, en plus d’être une régle légale, est d’ailleurs de
pure courtoisie, est de citer sa source.

 

Ce passage de l’édition sur « papier payant » à
la diffusion électronique gratuite était donc la principale raison de cette
réédition. Il n’empêche que, venant plus de dix ans après la première, elle a
subi quelques modifications, son auteur ne se prenant pas pour Horace et ne se
croyant aucun droit à prétendre « exegi
monumentum aere perennius
 ». Ces modifications sont de deux
ordres :

 

La plus visible est une nouvelle répartition des matières. Dans
son édition-papier,  Les Héritiers …
comprenait trois volumes, « Le
temps du Roi
 » (1885 – 1908), « LeTemps des Héritiers » (1908 –
1940) et « LeTemps du Refus »
(1940-1960) accompagnés d’unopuscule reprenant deux autres textes « Le Roi dans la bouteille à encre »
et « Le Congo en vitrine »,
offert comme une sorte de « prime » aux acheteurs de l’œuvre principale.
D’autre part, à l’époque, mon livre « Baoni
– Les révoltes de la Force Publique sous Léopold II. Congo 1895 – 1908 
»
était toujours disponible en librairie, et le désir de ne pas « torpiller »
les droits de mon édieur m’avait poussé à n’évoquer ces fait que de manière
fort succincte dans Les Héritiers
Cette œuvre étant aujourd’hui épuisée en version papier, quoique toujours
disponible en téléchargement[1],
ces scrupules n’avaient plus de raison d’être. Enfin, il y a l’apport de la polémique.
Ce que j’ai écrit sur le Congo a été attaqué sur divers points par des auteurs
qui ne partagent pas mes idées[2],
ce qui m’a amené à préciser et à approfondir mes vues pour leur répondre. Il s’agit,
notamment, de l’utilisation des écrits de Thonner, de l’appréciation du
témoignage du Cdt Bodart, de la valeur de Jozef Conrad, non en tant qu’écrivain,
mais comme « témoin » du Congo léopoldien et de certains choix
méthodologique de Jean Stengers… Autant valait, bien sûr, partager avec mes
lecteurs ces approfondissements at ces précisions.

Comme l’on s’en doute, tous ces apports,
qui concernaient pricipalement les parties 1 et 2 en auraient fait des volumes
assez lourds à manier, même sous forme informatique. Il en résulte une nouvelle
répartition des matières, avec un volume « Le Temps de la Reprise » consacré essentiellement aux
événements des années 1904 à 1911.

 

En second lieu, je me suis efforcé
d’intégrer au corps de l’ouvrage des documents anciens récemment publiés et de
citer, lorsqu’il y avait lieu, des travaux historiques parus depuis la première
édition des Héritiers… Ainsi, il a
été tenu compte de la publication des Notes
de voyage du Prince Albert
et d’autres piéces anciennes d’archives
récemment exhumées ou du livre de C. Braeckman sur  Lumumba : un crime d’état’.

A propos des sources et de leur utilisation, je crois bon
de rappler que Les Héritiers… n’est
pas et ne prétend nullement passer pour une « Histoire du Congo », ni
même pour une « Histoire du Congo de 1885 à 1960 ». Son but est
seulement de parcourir cette histoire de la colonisation léopoldienne, puis
belge en cherchant la réponse à quelques questions : « Dans quelle mesure la Belgique – ou une
certaine classe dirigeante belge – a-t-elle accepté l’héritage de Léopold
II ? Cet héritage a-t-il eu lieu pour rompre avec la colonisation
léopodienne, ou pour la poursuivre ? Comment ce pays d’abord hostile à la
colonisation en est-il arrivé, un demi-siècle plus tard, à se prendre pour « l’exception
belge », pour un colonisateur idéal ? Qu’est-ce qui a rendu
l’anticolonialisme impossible ? »

Cela suppose certes de parcourir l’histoire de la période
coloniale au Congo, mais non de faire un exposé exhaustif et systématique de
l’histoire de ce pays depuis les origines les plus lointaines jusqu’à nos
jours. Un tel ouvrage existe d’ailleurs déjà : l’Histoire du Congo d’Isidore Ndaywel è Nziem.

 

En 2012, un livre sur le Congo a même été considéré par
beaucoup comme le «livre de l’année». Il
s’agissait, bien sûr de « Congo… Une
histoire
 » de David Van Reybrouck.  Ce mélange magistral de reportage, d’historiographie
et de littérature a obtenu des critiques dithyrambiques et remporté prix sur
prix… Ce que l’auteur produit surtout sans effort apparent, c’est une prose
élégante, souvent magniique.

C’est éffectivement une belle histoire, mais ce n’est pas
un ouvrage historique. C’est une splendide évocation littéraire du Congo et de
son histoire, un de ces ouvrages de non-fiction historique qui allient
histoires vécues et analyse de ces histoires en transmettant avec virtuosité
données pures et vue d’ensemble. De la préhistoire aux premiers chasseurs
d’esclaves, du voyage de Stanley missionné par Léopold II à la décolonisation,
de l’arrivée de Mobutu puis de Kabila à l’implantation industrielle d’une
importante communauté chinoise, ce livre retrace, analyse, conte et raconte
quatre vingt-dix mille ans d’histoire : l’histoire du Congo, cet immense
territoire africain au destin violent.

Le monde s’est passionné alors pour cet ovni littéraire qui
entrecroisait approches historiographique, littéraire et journalistique…

L’on a eu raison de se passionner, car si c’estbien « une
histoire » plutôt qu’un ouvrage historique, David Van Reybrouck y a écrit
au moins un message prophétique. Il nous dit que le Congo n’est pasun souvenir
de notre passé, mais une préfiguration de notre avenir.

 

Le sort des Congolais, enfermés depuis Léopold II dans le rôle
de prolétariat famélique d’un pays regorgeant de richesses qui ne profitent qu’à
quelques « Héritiers »
dont, au fil du temps, ne change que la couleur de peau, mais pas la rapacité,
c’est le sort qui nnous attend tous.

Car on ne sait pas encore si l’Homme survivra eu changement
climatique, et cela en inquiété beaucoup.Mais il est clair que ni l’Homme, ni
le Climat, ni la Planète ne suvivront longtemps encore à la malfaisance du
Capitalisme.



[2] Ces discussions se sont reflétées, au fil du temps, dans « Dialogue », Série « Pourquoi ne pas raconter tout l’histoire du
Congo ?
 ».

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